Par Stéphany Gardier: Le Figaro.
EMDR: Mise au point pour soulager les vétérans de la guerre du Vietnam souffrant de stress post-traumatique, cette approche thérapeutique peut s'avérer utile dans bien d'autres contextes.
« Digérer un traumatisme psychique en faisant bouger ses yeux. »
C'est à peu près ce que retiennent de l'EMDR ceux qui en ont déjà entendu parler. Le «Eye-movement desensitization and reprocessing», ou désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires, est une méthode psychothérapeutique non-verbale mise au point dans les années 1980 aux Etats-Unis pour des vétérans de la guerre du Vietnam. Introduite en France peu de temps après, il en a beaucoup été question en 2015 dans le cadre de la prise en charge des nombreuses victimes des différents attentats qui ont frappé la France cette année-là. Ce que l’on sait moins, c’est que la méthode peut aussi se révéler utile en cas de traumatismes moins sévères.
L'EMDR est une «thérapie d'exposition» dans laquelle le patient n'a pas à décrire son traumatisme, du moins pas en détail.
« C'est précieux pour de nombreuses personnes qui n'arrivent pas à verbaliser ce qu'elles ont vécu. Cela les rassure de ne pas avoir à me raconter toute la scène. Nous avons juste besoin d'une image mentale pour démarrer le protocole. Et si la personne le souhaite, elle peut même la partager par écrit » explique Anne-Julie Vaillant-Ciszewicz, psychologue au CHU de Nice. La méthode propose de se remémorer un souvenir, mais dans un contexte qui permette au cerveau de traiter l'information d'une manière différente, comme pour lui permettre d'enfin « archiver » ce souvenir qui provoque un dysfonctionnement.
Hasard et empirisme
La mise au point de l'EMDR est un exemple parfait de sérendipité et d'empirisme. Sa créatrice, l'Américaine Francine Shapiro, raconte avoir eu l'intuition de lancer des recherches sur les effets psychiques des mouvements oculaires lors d'une balade dans Central Park, à New-York. Alors atteinte d'un cancer, la chercheure en littérature observe la nature qui l'entoure et balaie le paysage avec des mouvements oculaires bilatéraux. Elle a alors le sentiment que ces mouvements ont un effet bénéfique sur son état mental et a l'intuition qu'il y a un sujet à creuser. C'est ainsi qu'elle a commencé à élaborer un protocole et à le tester dans le cadre d'essais cliniques enrôlant des vétérans de la guerre du Vietnam atteints d'un trouble de stress post-traumatique (TSPT ou PTSD en anglais).
Ses travaux ont permis de démontrer l'efficacité de la méthode EMDR pour le traitement du TSPT. Depuis, de nombreuses autres recherches menées sur des populations différentes ont permis d'asseoir le sérieux de la méthode.
« Elle est indiquée et donne des résultats particulièrement stables et durables quand il s'agit de travailler sur un évènement précis, récent ou ancien, afin d'éviter l'installation d'un trouble ou sa persistance », précise Lionel Souche, psychologue clinicien, chargé de cours auprès des universités Lumière Lyon 2, Claude Bernard Lyon 1 et de l'École de psychologues praticiens. Ces traumas, dits « simples », sont par exemple un accident de voiture après lequel il est impossible de reprendre le volant ou une agression dans un couloir de métro qui empêcherait de reprendre les transports en commun.
L'EMDR peut aussi être utilisée pour traiter des traumas dits complexes, souvent anciens, plus diffus, qui peuvent provoquer des manifestations diverses (attaque de panique sans raison apparente, symptômes dépressifs, troubles du comportement alimentaires…) qui ont résisté à une ou plusieurs psychothérapies. « Mais attention à ne pas « fétichiser » l'EMDR qui n'a rien d'une baguette magique ! Il s'agit d'un outil dans l'arsenal thérapeutique de la prise en charge des traumas », modère Lionel Souche.
Déroulement des séances
Lors d'une séance, le patient suit des yeux les mouvements que le thérapeute fait avec les doigts, sur un rythme précis. Ces mouvements oculaires s'apparentent à ceux présents durant la phase de sommeil paradoxal, celle pendant laquelle nous rêvons. Le thérapeute peut aussi pratiquer des tapotements, sur le bras du patient par exemple, toujours des deux côtés pour créer des stimulations bi-alternées (SBA) qui favorisent ce retraitement spécifique de l'information.
« L'approche est standardisée et repose sur un protocole précis en huit phases, qui comprend une évaluation du patient avant et après les sessions d'EMDR, prévient Anne-Julie Vaillant-Ciszewicz. Il faut se méfier des thérapeutes qui proposent dès le premier rendez-vous une séance d'EMDR car il est nécessaire d'évaluer le trauma et de préparer le patient avant de démarrer la désensibilisation. » La formation, dispensée par trois organismes en France, est réservée aux médecins et aux psychologues cliniciens. « Il peut y avoir des levées d'amnésies traumatiques durant le processus, il est important que le thérapeute en plus d'être formé à l'EMDR ait une expérience solide de la prise en charge des traumas », insiste la psychologue. Certains praticiens peuvent proposer des protocoles adaptés pour appliquer la méthode chez les plus jeunes et les aînés, deux populations pour lesquelles une approche non-verbale est un véritable atout.
EMDR: Mise au point pour soulager les vétérans de la guerre du Vietnam souffrant de stress post-traumatique, cette approche thérapeutique peut s'avérer utile dans bien d'autres contextes.
« Digérer un traumatisme psychique en faisant bouger ses yeux. »
C'est à peu près ce que retiennent de l'EMDR ceux qui en ont déjà entendu parler. Le «Eye-movement desensitization and reprocessing», ou désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires, est une méthode psychothérapeutique non-verbale mise au point dans les années 1980 aux Etats-Unis pour des vétérans de la guerre du Vietnam. Introduite en France peu de temps après, il en a beaucoup été question en 2015 dans le cadre de la prise en charge des nombreuses victimes des différents attentats qui ont frappé la France cette année-là. Ce que l’on sait moins, c’est que la méthode peut aussi se révéler utile en cas de traumatismes moins sévères.
L'EMDR est une «thérapie d'exposition» dans laquelle le patient n'a pas à décrire son traumatisme, du moins pas en détail.
« C'est précieux pour de nombreuses personnes qui n'arrivent pas à verbaliser ce qu'elles ont vécu. Cela les rassure de ne pas avoir à me raconter toute la scène. Nous avons juste besoin d'une image mentale pour démarrer le protocole. Et si la personne le souhaite, elle peut même la partager par écrit » explique Anne-Julie Vaillant-Ciszewicz, psychologue au CHU de Nice. La méthode propose de se remémorer un souvenir, mais dans un contexte qui permette au cerveau de traiter l'information d'une manière différente, comme pour lui permettre d'enfin « archiver » ce souvenir qui provoque un dysfonctionnement.
Hasard et empirisme
La mise au point de l'EMDR est un exemple parfait de sérendipité et d'empirisme. Sa créatrice, l'Américaine Francine Shapiro, raconte avoir eu l'intuition de lancer des recherches sur les effets psychiques des mouvements oculaires lors d'une balade dans Central Park, à New-York. Alors atteinte d'un cancer, la chercheure en littérature observe la nature qui l'entoure et balaie le paysage avec des mouvements oculaires bilatéraux. Elle a alors le sentiment que ces mouvements ont un effet bénéfique sur son état mental et a l'intuition qu'il y a un sujet à creuser. C'est ainsi qu'elle a commencé à élaborer un protocole et à le tester dans le cadre d'essais cliniques enrôlant des vétérans de la guerre du Vietnam atteints d'un trouble de stress post-traumatique (TSPT ou PTSD en anglais).
Ses travaux ont permis de démontrer l'efficacité de la méthode EMDR pour le traitement du TSPT. Depuis, de nombreuses autres recherches menées sur des populations différentes ont permis d'asseoir le sérieux de la méthode.
« Elle est indiquée et donne des résultats particulièrement stables et durables quand il s'agit de travailler sur un évènement précis, récent ou ancien, afin d'éviter l'installation d'un trouble ou sa persistance », précise Lionel Souche, psychologue clinicien, chargé de cours auprès des universités Lumière Lyon 2, Claude Bernard Lyon 1 et de l'École de psychologues praticiens. Ces traumas, dits « simples », sont par exemple un accident de voiture après lequel il est impossible de reprendre le volant ou une agression dans un couloir de métro qui empêcherait de reprendre les transports en commun.
L'EMDR peut aussi être utilisée pour traiter des traumas dits complexes, souvent anciens, plus diffus, qui peuvent provoquer des manifestations diverses (attaque de panique sans raison apparente, symptômes dépressifs, troubles du comportement alimentaires…) qui ont résisté à une ou plusieurs psychothérapies. « Mais attention à ne pas « fétichiser » l'EMDR qui n'a rien d'une baguette magique ! Il s'agit d'un outil dans l'arsenal thérapeutique de la prise en charge des traumas », modère Lionel Souche.
Déroulement des séances
Lors d'une séance, le patient suit des yeux les mouvements que le thérapeute fait avec les doigts, sur un rythme précis. Ces mouvements oculaires s'apparentent à ceux présents durant la phase de sommeil paradoxal, celle pendant laquelle nous rêvons. Le thérapeute peut aussi pratiquer des tapotements, sur le bras du patient par exemple, toujours des deux côtés pour créer des stimulations bi-alternées (SBA) qui favorisent ce retraitement spécifique de l'information.
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